Après un premier recueil intitulé
Jardiner ses mémoires échouées, paru chez Nombre7 Éditions, l'écriture poétique de Sylvain Jules se poursuit aujourd’hui par
"Une blancheur" paru tout récemment chez le même éditeur.
Sylvain JULES
Écrire : une résonance fertile?
Éconduit par la nuit
Ose telle l'hélianthe
T'amarrer aux rayons
Envoûté par les pluies d'hiver
Tu nages dans tes nuits d'éther
Difficile ascension au revers de tes rêves
Dans les matins hérissés de rayons héroïques
Se déploie l'hirsute armure de tes oublis
Tu déplieras ta journée, hypnotisé par la nuit
Interroge alors l'hymne secret déposé en toi
Écoute la résonance intérieure tracer ta quête
Telle la cigale au zénith de juillet
Arrimé à l'écorce de tes songes
Tu feras peau neuve, irradié
Dans le cœur d'un poème d'été
*
L’été s’écorce frivole
De longs feuillets chiffonnés
Crissent dans tes mains incertaines
Et tu écris encore car tu entends toujours
Le frémissement délicat, cette voix fébrile
Singulière présence intérieure, bouture fragile
Elle racine en toi
*
Tu expérimentes des heures asséchées de lumière
Alors, derrière le rideau d’une langue boisée
Tu t’arrimes à l’ouvrage et reprends tes outils
Suspendu au souffle court d’une clarté étouffée
Décillé par l’image vivace d’une nature luxuriante
Tu cherches peut-être en vain d’élaguer ton esprit
Aussi, interroge en toi la floraison qui luit dehors
Redeviens, l’espace d’un poème, cette pensée absente
Rabote en toi l’écorce de tes années minérales
Tu attends du poème une régénération de ton arbre intérieur
Cette âme solide et fragile chargée de pluies et de vents lancinants
Ne t’oppose plus au silence nourricier de l’ombre
Elle devance ton inspiration, laisse-la advenir
Écoute la fine pluie d’ébène
Ressens la légère brise qui ondoie
Oui, ajourne l’excès de réflexion
Tes feuillets irrigués s’ensoleilleront
*
Une mémoire olfactive éclaire ton jardin intérieur
Comme une lanterne, ombellifère odorante
Elle dirige parfois tes excursions oniriques
Le fenouil a poussé seul au pied de ta chambre
Il embaumait ton réveil engourdi par l’oubli
Or, tes nuits se souviennent dans le cœur grenat des Lilas d’Espagne
Et tu survis en prenant tes quarts à l’ombre de leurs haies
Mère nature tu réparais les blessures de mon âme
Ecorché par la violence de l’indicible hébétude
Ne crains plus l’orage des passions diluviennes
Espère dans la douce réminiscence des parfums suaves
L’herbe verte fraîchement coupée et la pluie d’été électrique
Ressent le susurrement gracile des feuilles de tilleuls
Elles écrivent pour toi une ode à la sérénité
Entrouvrent leurs ailes de papiers calques
Tu peux à présent lire les confidences de l’astre solaire
Respire ici et maintenant ses promesses
Une chaleur exhale des senteurs de terre ocre
*
Dans les espaces du poème
Tu conquiers à nouveau un souffle
Respire la clameur silencieuse de son haleine
Puis, approche-toi de son baiser
Ce serait une inconnue caresse d’or
Fidèle interprète, tu essaies simplement
D’en retranscrire le pouls
Un poème s’ébat
*
S’érode en toi les reliefs du rêve alangui
Ton regard essoufflé dans ce désert de lumière
Tu ne patientes plus dans ses yeux ourdis par la nuit
Devant ces heures soustraites au scalpel de l’éclair
Une voie de mémoire irrigue soudain ta cécité
Tu t’éveilles assoiffé par le ressac de l’enfance
Exalté, dans l’entrelacs de ton errance
Le portillon vert entrouvert sur ta cour pavée
Te rappelle l’inaltérable joie d’une déprise fertile
Dans l’alternance du rêve à la lisière des feuillets de l’aube
L’écriture colore d’une nouvelle lueur pastel
Le souvenir du long exil dans ton passé
Inactuelle présence, dans l’indécise fuite du songe
Une nouvelle clarté inondera tes chemins de liberté
Porté par la brillance de l’aurore, renaissant, tu marcheras
Un matin d’été balbutiant, dans la vacance de l’esprit estival
Écoute le bourgeonnement silencieux de ton âme
Conquise par le concile des oiseaux
Tu apprivoises et tu épèles le nom de la grâce
Une nature ivre de vie t’embrasse, semonce du vent
Rémiges et ramures ébouriffées en un ciel cristallin
Écrivent un poème élémentaire à la source de l’éveil
Dans le houppier d’une langue en fleur
Tu deviendrais résident de l’irréelle beauté
Toi, l’homme de la forêt envahi par les nuits de la ville
Tu gravis avide l’écorce craquelée du sonore
Car tu sais combien les ors boisés de la poésie
S’accordent à l’éblouissante nature
Tes jours sont des siècles multipliés, travaillés, infinis
Des petits murets en pierres sèches centenaires à moitiés éboulés
Ils bordent tes sentiers dans le cœur de ta mémoire fanée
Dans la pénombre naissante, sous la dictée silencieuse de l’écriture
Tu écoutes le récit feutré de tes saisons révolues
Fleurissent des poèmes attisés par les secousses de la nuit
Tu avances jusqu’à l’aube et tes mots sont des aiguilles de pin
Ils chutent lentement à la surface de tes chemins
Des feuillets charbonneux insensiblement s’éclairent
Parvenu à la lisière du jour nouveau
Ta terre de bruyère noire s’illumine, encore ceinte du minéral ouvragé
Et tu te souviens insensiblement dans le corps de la langue